Simone Weil en Gaza

Para que una vida humana sea digna necesita algunas cosas. Diría que a la gran mayoría de los humanos le han faltado al menos una de las esenciales: comida, refugio, abrigo, higiene, descanso, ejercicio, trabajo, seguridad, relaciones sociales y familiares y libertades políticas (estamos asistiendo en nuestro tiempo a una regresión de las libertades políticas). No se me ocurren más, con el permiso de Maslow. A los palestinos de Gaza les faltan todas en un grado espantoso, en un grado que arroja una sombra de barbarie sobre todo el planeta y la época que vivimos. A los israelíes secuestrados, lo mismo. Ayer tres rehenes israelíes de Hamás (ninguno llegaba a los treinta años) que se habían librado de sus captores no se sabe cómo fueron tiroteados por el ejército israelí, aunque habían salido a descubierto desnudos de cintura para arriba y enarbolaban la bandera blanca. Dos de ellos (dice la noticia) murieron en el acto, un tercero, malherido, consiguió ponerse a cubierto. Hasta su posición, entre las ruinas, se acercó una patrulla de soldados del IDF. El chico les gritó en hebreo pero esa llamada desesperada no le salvó de ser tiroteado hasta la muerte. : "La Ilíada o el poema de la fuerza" es un texto de Simone Weil que se aplica perfectamente a la violencia que acontece ahora en Gaza. Simone Weil escribió este ensayo hacia 1940 con la guerra mundial en curso. Aquí van algunas frases suyas. Creo que a leerlas se comprende que hay muy poca diferencia entre Troya y Gaza. 

La force, c'est ce qui fait de quiconque lui est soumis une chose. Quand elle s'exerce jusqu'au bout, elle fait de l'homme une chose au sens le plus littéral, car elle en fait un cadavre.

Un homme désarmé et nu sur lequel se dirige une arme devient cadavre avant d'être touché. 

Quand, hors de tout combat, un étranger faible et sans armes supplie un guerrier, il n'est pas de ce fait condamné à mort ; mais un instant d'impatience de la part du guerrier suffirait à lui ôter la vie.

Aussi impitoyablement la force écrase, aussi impitoyablement elle enivre quiconque la possède, ou croit la posséder. Personne ne la possède véritablement. Les hommes ne sont pas divisés, dans l'Iliade, en vaincus, en esclaves, en suppliants d'un côté, et en vainqueurs, en chefs, de l'autre ; il ne s'y trouve pas un seul homme qui ne soit à quelque moment contraint de plier sous la force. Les soldats, bien que libres et armés, n'en subissent pas moins ordres et outrages

Le fort n'est jamais absolument fort, ni le faible absolument faible, mais l'un et l'autre l'ignorent. Ils ne se croient pas de la même espèce ; ni le faible ne se regarde comme le semblable du fort, ni il n'est regardé comme tel.

Ce châtiment d'une rigueur géométrique, qui punit automatiquement l'abus de la force, fut l'objet premier de la méditation chez les Grecs. Il constitue l'âme de l'épopée ; sous le nom de Némésis, il est le ressort des tragédies d'Eschyle ; les Pythagoriciens, Socrate, Platon, partirent de là pour penser l'homme et l'univers.

 La marche de la guerre, dans l'Iliade, ne consiste qu'en ce jeu de bascule. Le vainqueur du moment se sent invincible, quand même il aurait quelques heures plus tôt éprouvé la défaite ; il oublie d'user de la victoire comme d'une chose qui passera.

Un usage modéré de la force, qui seul permettrait d'échapper à l'engrenage, demanderait une vertu plus qu'humaine, aussi rare qu'une constante dignité dans la faiblesse.

Au départ, leur cœur est léger comme toujours quand on a pour soi une force et contre soi le vide. Leurs armes sont dans leurs mains ; l'ennemi est absent. Excepté quand on a l'âme abattue par la réputation de l'ennemi, on est toujours beaucoup plus fort qu'un absent.

Il est vrai que tout homme est destiné à mourir, et qu'un soldat peut vieillir parmi les combats ; mais pour ceux dont l'âme est soumise au joug de la guerre, le rapport entre la mort et l'avenir n'est pas le même que pour les autres hommes. Pour les autres la mort est une limite imposée d'avance à l'avenir ; pour eux elle est l'avenir même, l'avenir que leur assigne leur profession. Que des hommes aient pour avenir la mort, cela est contre nature.

Il faut, pour respecter la vie en autrui quand on a dû se mutiler soi-même de toute aspiration à vivre, un effort de générosité à briser le cœur.

Telle est la nature de la force. Le pouvoir qu'elle possède de transformer les hommes en choses est double et s'exerce de deux côtés ; elle pétrifie différemment, mais également, les âmes de ceux qui la subissent et de ceux qui la manient.

La légèreté de ceux qui manient sans respect les hommes et les choses qu'ils ont ou croient avoir à leur merci, le désespoir qui contraint le soldat à détruire, l'écrasement de l'esclave et du vaincu, les massacres, tout contribue à faire un tableau uniforme d'horreur

C'est par là que l'Iliade est une chose unique, par cette amertume qui procède de la tendresse, et qui s'étend sur tous les humains, égale comme la clarté du soleil. Jamais le ton ne cesse d'être imprégné d'amertume, jamais non plus il ne s'abaisse à la plainte.

Toute l'Iliade est sous l'ombre du malheur le plus grand qui soit parmi les hommes, la destruction d’une cité.

Les Hébreux voyaient dans le malheur le signe du péché et par suite un motif légitime de mépris ; ils regardaient leurs ennemis vaincus comme étant en horreur à Dieu même et condamnés à expier des crimes, ce qui rendait la cruauté permise et même indispensable.

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